Posts tagged 93 manifesto
boris boublil : mù | 93 manifesto @ point break (fr)

France-Galles, troisième du nom. Mieux que des sucettes à l’anis, mieux qu’un 41-28 en fin des 6 Nations. Voici une transverse Brest/Pays de Galles où évoluent Boris Boublil, leader-rêveur de ce Mù de 9 âmes bien faites, et John Parish, premier des seconds rideaux du post-rock depuis une paire d’années. Le premier a ciselé les partitions de ce 93 Manifesto, le second en a remanié le son et les atmosphères. Sort de cet entrelacs 11 plages, intenses, languides et nonchalantes. Boublil nomme cela « mélancolie positive », c’est pas mal, c’est joli comme idée. Ajoutons, si on doit ajouter quoi que ce soit à un rêve fait mille fois par son auteur, « élégie impatiente ». L’âme a, ici, ce qu’il convient de bleu à tout artisan-poète mais, il y a aussi du noir, du clair-obscur, dans la noise réfractaire de El Dia De Los Muertos par exemple. Il y le cuivre solaire de la danse imparable des Penguins, aussi. Et dix autres, et cent autres climats et couleurs. Qu’ils soient dûs à des gens qu’on aiment beaucoup ici, Morgane Carnet, Robin Fincker, Sacha Toorop, qu’ils soient le fait de cet assemblage imparable après l’écoute des 11 titres façonnés, avec un soin audible, aux gallois studios Rockfield. Là, où on peut voir, parait-il les berges d’une France rêveuse et positive, aperçues sur Bristol Hotel.

boris boublil : mù | 93 manifesto @ benzine (fr)

Boris Boublil et le collectif Mù viennent de sortir 93 Manifesto, un album qui fait le grand pont entre rock et jazz pour un résultat très concluant. On fait plus ample connaissance avec le pianiste à travers une sélection d’albums de son choix.

Boris Boublil

© Vaidehi Nota

5 disques du moment :

Kim Gordon : no home record

Découvert pendant le confinement, no home alors qu’on était pourtant bien enfermé à la maison, ce disque m’a happé de part sa créativité, sa musicalité, Kim Kordon du haut de ses 66 ans à l’époque et toujours la rage au ventre, c’est brut, très rock. C’est beau !

Jonny Greenwood : The power of the dog

Musique originale pour le film de Jane Campion, magnifique film, aux premières notes de violoncelle joué comme un banjo de ce superbe film, on reconnaît la pâte de cet excellent musicien compositeur. Pas trop heureux de voir que c’est une exclusivité Netflix, néanmoins, j’adore le cinéma de Jane Campion, la photo est splendide et la musique de western qui n’est pas une énième copie du maître Morricone, souligne la gravité du propos, j’adore. Et la musique s’écoute absolument aussi toute seule, je trouve ce Jonny Greenwood complètement inspirant.

Talk Talk : Laughing stock

De passage à Marseille il n’y a pas très longtemps, jouant à l’Espace Julien avec la merveilleuse Nadine Khoury, je suis passé chez le disquaire qui se trouve juste en face (c’est devenu une drogue, car chaque ville où les tournées me portent, je me retrouve très souvent entre les balances et le concert chez les disquaires ) je rentre donc dans la boutique, et me retrouve en 10 secondes nez à nez avec le disque de Mark Hollis « Mark Hollis » en vinyle et j’étais fou, j’adore ce disque, et il manquait à ma collection de vinyles. En rentrant à la maison je l’ai écouté, toujours aussi beau, puis voulant rester dans le mood, j’ai écouté ensuite « the Laughing Stock » de Talk Talk, que j’ai finalement trouvé beaucoup plus puissant, la musique Mark Hollis, me porte énormément, me transcende, me berce, ce disque est presque un disque de toujours, mais c’est aussi un disque du moment, je le met là car je ne saurais choisir un disque de Talk Talk pour toujours, tellement ils sont tous beau.

Lonny : Ex Voto

C’est pendant le tournée d’Emily Loizeau pour le disque Icare, que j’ai rencontré Lonny, j’aime beaucoup aller écouter aux portes et découvrir les musiciens avec lesquels nous partageons la scène. Et je dois dire que Lonny est extraordinaire, sa voix, ses mélodies, ses textes, tout m’a bouleversé, ça faisait longtemps que je n’avais pas entendue une chanson folk en français si aboutie. Nous nous sommes donc échangés nos disques, et le siens tourne régulièrement sur ma platine.

Timber Timbre : creep on creepin’ on

Ca faisait très longtemps qu’on me parlait de Timber Timbre que je m’étais mis pour je ne sais quelle raison à bouder sans même connaître, peut être car ce fut pendant un instant, un phénomène de mode dont tous le monde parlait, et que souvent par orgueil mal placé, je décide ne pas être pressé de découvrir. Finalement, je découvre ce groupe à un dîner chez John Parish à l’issue du mix de Playing Carver, le disque joue dans la cuisine et ça passe au dessus des conversations, Je lui demande ce que c’est : Timber Timbre. C’est très beau, gothique et rock, le slap back permanent, les réverbérations à ressorts, un son qui me touche particulièrement. Depuis je pensais avoir tout leurs disques mais c’est à Toulouse ( chez le disquaire ) que je me rends compte qu’il me manque « Creep on creepin’ on » qui vient d’être rééditer.

5 disques pour toujours :

Davis Bowie : Ziggy Stardust

J’ai 13 ans en 1993, ma sœur en a 17, elle écoute ce disque, je l’entends, je suis complètement affolé, je lui pique le disque et l’écoute en boucle. J’avais déjà découvert David Bowie, sur MTV qui passait Ashes to Ashes (qui est pour moi la chanson la plus belle du monde) mais là Ziggy Stardust, le glam rock à l’état pur, le personnage, le piano, la guitare, c’est dense, c’est rock, c’est poétique. Ce disque ne me quittera jamais

Bach : les variations Goldberg Glenn Gould version 1981

Mes années passées au conservatoire de Fontenay-sous-Bois, j’y apprends le piano, la musique classique, les grands compositeurs, certains me laissent de marbre et d’autres touchent le plus profond de moi-même. Mes parents écoutent énormément Bach et les Beatles ; dans mon fantasme d’enfant, j’aimerais devenir soit Glenn Gould soit John Lennon, j’aime ces deux personnages, leurs folies me touche, me parle, je les vois comme des allié de vie, ils m’accompagnent sur les chemins du collège, dans les moments difficiles de la vie. Mais je dois dire que les « Variations Goldberg » qui parait-il ont été composé pour ce monsieur Goldberg qui avait des insomnies, sont pour moi une œuvre magistrale, surtout cette version jouée par Glen Gould en 1981, une version lente, tellement inspirée, où on l’entend chanter. Petit, je pensais qu’il s’agissait du fantôme de Bach qu’on entendait dans ces murmures. J’ai souvent essayé de l’écouter pour m’endormir victime moi-même parfois d’insomnie, mais je dois dire qu’elles ne m’ont jamais endormi.

Carla Bley : Musiques Mécaniques

C’est Remi Sciuto qui en m’engageant pour jouer dans son Trio Wildmimi Antigroove Syndicate, m’offrit cet album (entre autres). J’étais déjà très attiré par le jazz pour grands ensembles, que ce soit les big band de Duke Ellington ou toute la discographie de Charles Mingus, Et là, Je découvre un jazz plus pop, terriblement libre, mais se tenant à une écriture plus « chansons ». Aux premières notes du disque, je me souviens m’être dit, je crois que ce disque va t’accompagner longtemps ; il y a de ces disques magiques qui, en les écoutant pour la première fois, s’agrippent et vibrent dans nos corps, un peu comme quand on tombe amoureux. Celui-ci en fait partie.

Goldfrapp : Felt Mountain

Parmi les disques que Remi, m’avait offert ce jour-là, se trouvait « Felt Mountain ». Je me souviens, il m’avait dit, tu vas voir dans ce disque il y a du mélodica, or à cette époque j’essayais d’introduire le mélodica dans Surnatural Orchestra, dans lequel je faisais mes débuts. Nous jouions à l’époque souvent dans la rue et me trouvait régulièrement à court d’électricité. Ce fut un moment dans ma vie musicale, pas très heureux pour moi ni pour les autres d’ailleurs et Rémi et moi en rigolions beaucoup. Mis à part cette anecdote, j’ai vite identifié ce disque comme un hommage à la musique de Morricone (pour qui je voue un amour infini), bouleversé par la voix d’Alison Goldfrapp, mais aussi complétement subjugué par les arrangements de Will Gregory, c’est une musique éternelle qui, je pense, ne vieillira jamais. C’est plus tard que j’appris que John Parish avait joué quelques batteries et guitare sur ce disque.

PJ Harvey : White Chalk

J’ai véritablement découvert PJ Harvey en rencontrant la femme de ma vie, elle en était fan, nous l’écoutions beaucoup, puis un jour, en rentrant chez Philippe le libraire (une super librairie du 10ᵉ Arrondissement de Paris, mon ancien quartier) il me dit, tiens regarde (car il avait aussi quelques disques), voici le dernier disque de PJ Harvey, il me tend aussi le deuxième disque de This is the Kit « krulle bol », ces deux disques on un point commun, ils sont produits par John Parish. J’achète évidemment les deux et les offre à ma copine pour son anniversaire. White Chalk, est pour moi comme le disque que j’aurais toujours rêver d’entendre, c’est un disque de transition et d’introspection, la voix de Polly y est transformée, les mélodies sont sublimes et les arrangements exceptionels, j’aime sa façon de jouer du piano, elle a parait-il appris à jouer du piano pour faire ce disque, son piano n’est pas virtuose, il est juste complètement ressenti et habité. Un disque que j’ai eu beau écouter des milliers de fois, j’y entends toujours de nouvelles choses.

boris boublil : mù | 93 manifesto @ à découvrir absolument (fr)

Étant donné qu’il y a un accent grave sur le u de Mù, on n’ira pas paresseusement chercher les analogies avec le fameux continent perdu, qui serait une sorte d’Atlantide gisant au fond de l’océan Pacifique, et dont la brillante civilisation aurait, quelques milliers d’années avant les Égyptiens, bâti des pyramides aux quatre coins du globe. Point de relecture de l’histoire à la Maître Gims ou Lilian Thuram, non, nous acceptons de ne pas comprendre l’énigme proposée par Boris Boublil : il en va ainsi de notre compréhension du monde, pour laquelle il convient d’accepter de ne pas tout piger, tout petits humains imparfaits que nous sommes.

Mù pourtant fait phantasmer : orchestre amical accompagnant notre Boris - par ailleurs musicien pour Dominique A et Emily Loizeau, compositeur pour le cinéma (Derniers remords avant l’oubli, de Jean-Marc Cuillersi) et pour le cirque (Extrême night fever - compagnie Inextremiste), également grand amateur du sécateur des relations humaines Raymond Carver -, il est composé notamment de John Parish (guitares et percussions) et de Sacha Toorop (batteries), figures tutélaires d’un underground rock que l’on ne présentera pas, tant leurs auras et apports respectifs méritent admiration et respect. Avec Csaba Palotai (guitares), Théo Girard (basses), Robin Fincker (saxophone, clarinette), Morgane Carnet (clarinette, saxophone), Jesse Vernon (violon) et Antoine Berjeaut (trompette, bugle – un saxhorn), il est évident que Boris Boublil sait s’entourer, à l’instar d’un Shackleton en quête de terres inconnues.

Entre la corde et le mât, il y a quoi, ou qui ? On pense à Ulysse, parfaitement mis en scène par Waterhouse, qui pour échapper aux si tentantes sirènes à la cruauté sans égale s’attacha au mât de sa Calypso en perdition : ainsi commence 93 Manifesto, sur un lit de cuivres et de cordes mélodieuses à la limite de la dissonance. Et c’est tout un voyage qui commence, entre noise et post-rock, convoquant défunts du folklore mexicain (El Dia de los Muertos) et lacérations soniques, mais également piano jazzy sous perfusion lounge (le cinématographique Piano Tapes, pas très loin de ce que proposait l’excellent Rob) ou dissonance arithmétique d’avant-garde (Basement).

Carton Records (Emmanuelle Parrenin, Belvoir, Balladur) est définitivement un label à suivre et ce n’est pas 93 Manifesto qui va nous en dissuader, bien au contraire. Il y a dans cet album de Boris Boublil : Mù un parti-pris résolument aventureux et néanmoins accessible, en témoignent des arpèges pianistiques à la Clayderman et des guitares western, toujours à propos. Le grand écart entre l’accessible et l’exigeant n’est jamais impossible, à l’instar de ce proposait le Sébastien Tellier des débuts. Un morceau comme Penguins, au kitsch romantique assumé, trouverait tout à fait sa place sur la bande sonore d’un Jacques Demy du 21ème siècle.

Et donc, en onze titres au lyrisme décalé assumé et néanmoins hyper moderne, Boris Boublil : Mù déploie des trésors de trouvailles et d’arrangements malins à la saveur persistante. Franchement, qui peut résister aux glissando d’un accord majeur en accord mineur et vice-et-versa ? Et aux guitares lourdes de Pandora ?

Oui, que de questions, après celles posées en introduction, et celles qui ne se posent pas à propos du titre de cet album, hautement ironique ; en octobre 1914, le manifeste des 93 concernait un groupe d’intellectuels allemands hautement favorables à la guerre, les beaux couillons. Il est évident que l’orchestre de Boris Boublil a choisi des armes qui ne tuent pas, mais enchantent, et en ce sens il est là, le continent perdu, sous nos yeux, depuis toujours : il s’agit de nos cœurs.

boris boublil : mù | 93 manifesto @ hopblog (fr)

Boris Boublil et son collectif Mù ont décidé de ne pas choisir entre rock et jazz pour donner vie à 11 titres très beaux.

Boris-Boublil-93-manifesto Boris Boublil & Mù - 93 Manifesto

Au début des années 2010, Boris Boublil (rattaché au collectif jazz Surnatural Orchestra) a collaboré avec John Parish au sein du collectif rock Playing Carver avant de former il y a peu son groupe Mù. Pour cela, il a rassemblé des musiciens venus de divers horizons : John Parish, Csaba Palotaï, Robin Fincker (Aquaserge, Surnatural Orchestra), Jesse Vernon (This is The Kit, Morning Star), Sacha Toorop (Dominique A, Emily Loizeau), Théo Girard (Trans Kabar), Morgane Carnet (Selen Peacock), Antoine Berjeaut (Surnatural Orchestra).

Boris Boublil a d’abord joué ses morceaux avec son collectif, du côté de Brest, avant d’aller enregistrer au studio Rothschild, près de Cardiff, au pays de Galles, là où son ami John Parish a ses habitudes. Des compositions, qui ont mûri durant des années dans la tête de Boris Boublil, et auxquelles il a fini par donner vie.

Au programme de ce 93 Manifesto, on trouve des musiques riches et intenses, sombres ou joyeuses, qui alternent le chaud et le froid, à la frontière du jazz et du rock. Des morceaux aux accents free, Noise, qui grincent, qui couinent, qui grattent, mais aussi qui caressent ou réconfortent.

En tout cas, un disque qui mérite vraiment le détour.